L'ODD 17 souligne l'importance des partenariats pour le développement mondial et vise à faciliter et renforcer les liens financiers entre les pays. On appelle « remises migratoires » les transferts d'argent effectués par des travailleurs vivant à l'étranger au profit de leurs familles restées au pays. La possibilité de trouver un emploi à l'étranger et d'envoyer de l'argent chez soi est essentielle pour bien des personnes les plus économiquement démunies (cible 17.3).
Avant la pandémie de COVID-19, les migrations et les envois de fonds avaient tendance à augmenter. Les flux de remises migratoires vers les pays à revenu faible et intermédiaire en étaient venus à représenter trois fois plus que l'aide publique au développement (APD), atteignant 548 milliards de dollars en 2019 et excédant pour la première fois les investissements directs étrangers (IDE) .
Les remises migratoires vers les pays à revenu faible et intermédiaire ont bien résisté en 2020 et dépassé les IDE ou l'APD
Les données 2020 sont des estimations, celles de 2021 et 2022 sont des prévisions (mai 2021).
Sources : Estimations KNOMAD–Banque mondiale ; Indicateurs du développement dans le monde ; Statistiques de la balance des paiements (BPM6) du Fonds monétaire international (FMI).
En dépit des restrictions et du ralentissement mondial de l'activité économique dus à la pandémie, le volume des transferts d'argent des migrants est resté plutôt stable. Les envois de fonds vers les pays à revenu faible et intermédiaire ont atteint 540 milliards de dollars en 2020, soit à peine 1,6 % de moins qu’en 2019, quand ils étaient ressortis à 548 milliards de dollars.
Il existe toutefois des disparités entre les régions. Les estimations actuelles indiquent une baisse plus prononcée des remises migratoires en Afrique subsaharienne en 2020 (-12,5 %), par rapport à l’Europe-Asie centrale (-10 % environ) et l’Asie de l’Est-Pacifique (près de -8 %). En revanche, les régions Amérique latine-Caraïbes, Asie du Sud et Moyen-Orient et Afrique du Nord ont bénéficié d'une hausse des envois de fonds en 2020. .
La pandémie de COVID-19, la chute des prix du pétrole et les dévaluations monétaires auront un impact considérable sur les envois de fonds ainsi que sur les possibilités d'emploi dans la Fédération de Russie et les pays du Conseil de coopération du Golfe, qui attirent une grande partie des populations migrantes d'Asie centrale et d'Asie du Sud, respectivement.
Les remises migratoires sont restées solides en 2020, malgré la COVID-19
Les données 2020 sont des estimations, celles de 2021 et 2022 sont des prévisions.
Source : Estimations KNOMAD–Banque mondiale (mai 2021). Voir annexe de la Note d'information Migrations et développement n° 32 pour plus de détails sur les méthodes de prévision (Banque mondiale 2020c).
Les remises migratoires arrivent directement aux bénéficiaires, sont généralement plus stables que les flux de capitaux et peuvent servir de bouée de sauvetage en cas de crise économique et de catastrophe naturelle.
L'exemple d'Haïti est révélateur. Ce pays le plus pauvre de la région Amérique latine et Caraïbes a subi de nombreuses catastrophes naturelles. En 2019, les remises migratoires représentaient 37 % de son PIB, soit l'un des taux les plus élevés au monde. Les flux d'envois de fonds vers Haïti ont augmenté plus rapidement que l'aide publique au développement (APD) de 1999 à 2010, l'année d'un tremblement de terre dévastateur qui a généré un pic important d'aide internationale. Depuis 2012, les remises migratoires — provenant principalement des États-Unis, de la République dominicaine, de la France et du Canada — ont à nouveau dépassé l'APD et les investissements directs étrangers.
En Haïti, les transferts de fonds des migrants ont toujours excédé l'aide internationale, sauf au lendemain du séisme de 2010
Source : Indicateurs du développement dans le monde (BX.TRF.PWKR.CD.DT, DT.ODA.ALLD.CD, BX.KLT.DINV.CD.WD).
Les remises migratoires représentent généralement une part plus importante du PIB dans les économies plus petites et plus pauvres. L'examen des flux bilatéraux entre les pays permet de constater que les travailleurs migrants ne se rendent pas tous dans des économies à revenu élevé et que les pays à revenu intermédiaire sont également une source importante d'envois de fonds.
Économies destinataires des remises migratoires
Pays où les remises migratoires représentent au moins 1 % du PIB
Note : Pour de plus amples informations, voir la note en bas de page n° 4.
Source : Estimations Banque mondiale–KNOMAD.
Les remises migratoires ont représenté près d'un tiers de l'économie de la République kirghize en 2019. Environ 80 % provenaient de migrants qui travaillaient en Russie, souvent de façon saisonnière dans le secteur de la construction, rendant la République kirghize vulnérable aux ralentissements économiques dans la Fédération de Russie. Les emplois dans les pays d'Europe centrale et orientale, comme l'Allemagne et l'Ukraine, sont une autre source importante de revenus pour les travailleurs migrants kirghizes.
Les remises migratoires comptent également pour un tiers environ du PIB du Népal. Elles proviennent principalement des pays du Golfe, notamment le Qatar et l'Arabie saoudite, ainsi que de la Malaisie et de l'Inde. La baisse de la demande mondiale de pétrole, dont dépendent fortement de nombreuses économies de destination des migrants au Moyen-Orient, peut gravement affecter le sort de ces travailleurs et leur capacité à envoyer de l'argent chez eux.
Les migrations économiques vont du Sud vers le Nord, vers les pays à revenu intermédiaire et élevé, mais aussi du Sud vers le Sud, vers des pays voisins. Les sources des remises migratoires peuvent varier, même au sein des pays d'une même région. En 2019, plus de 70 % des fonds envoyés vers les Comores, une économie à revenu intermédiaire de la tranche inférieure d'Afrique subsaharienne, provenaient de France, pays à revenu élevé d'Europe.
Mais au Lesotho, autre pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure d'Afrique subsaharienne, enclavé en Afrique du Sud, la main-d'œuvre migrante dépend presque exclusivement de son unique voisin pour l'emploi.
S'ils sont souvent consacrés aux biens de consommation essentiels, les envois de fonds sont également investis dans le capital physique et utilisés pour les dépenses de santé, d'éducation et de technologies de l'information et de la communication qui améliorent le bien-être et la productivité. Ils peuvent donc constituer une assurance contre les chocs économiques comme les sécheresses et les famines, et contribuer à la reprise et à la reconstruction après une catastrophe.
Selon une étude récente, l'argent envoyé par les travailleurs migrants dans leur pays d'origine a contribué à une hausse de 35 % en moyenne des dépenses d'éducation dans 18 pays d'Afrique subsaharienne et d'Asie du Sud-Est, et de plus de 50 % en Amérique latine. En abaissant les coûts de transaction associés à l'envoi de fonds à 3 % (cible 10.c des ODD), contre une moyenne mondiale d'environ 7 %, il serait possible de dégager un milliard de dollars supplémentaires par an pour l'éducation.
Les transferts de fonds internationaux accroissent les dépenses d'éducation dans les pays à revenu faible et intermédiaire
Variation en pourcentage des dépenses d'éducation résultant des remises migratoires (intervalle de confiance de 95 %)
Note : Le graphique indique les moyennes pondérées des effets des envois de fonds sur les dépenses d'éducation des ménages. La catégorie « Autres » regroupe les économies d'Afrique subsaharienne et d'Asie centrale, du Sud et du Sud-Est. Les résultats sont basés sur une analyse de méta-régression des estimations pour 30 pays (73 études).
Source : Askarov and Doucouliagos (2018)
Les remises migratoires ont un coût qui peut limiter leur intérêt, notamment quand le tarif des envois de fonds au pays est très élevé par rapport à leur montant et au revenu des migrants.
La cible 10.c des ODD vise à faire baisser au-dessous de 3 % les coûts de transaction des transferts d'argent d'ici à 2030. Le coût moyen des envois de fonds vers les pays à revenu faible ou intermédiaire est passé de 9,7 % en 2009 à un peu moins de 7 % début 2020, soit encore plus du double de l'objectif. En outre, le tarif des transferts vers l'Afrique est plus élevé encore, il s'établit à 9 % environ. Les coûts des envois de fonds Sud-Sud sont importants en raison du contrôle des changes et des frais supplémentaires liés à la conversion des devises.
Le coût des transferts d'argent reste élevé
Coût moyen pour l’envoi de 200 dollars
Source : Base de données Remittance Prices Worldwide (Banque mondiale).
Ce sont les banques qui prélèvent les frais les plus élevés pour les transferts d'argent. Les bureaux de poste et les prestataires effectuant des envois de fonds via un portefeuille électronique ou un compte bancaire facturent les frais les moins onéreux. De nombreux pays imposent des partenariats exclusifs entre les opérateurs de transfert de fonds et les bureaux de poste, ce qui peut faire grimper les prix. En outre, les réglementations contre le blanchiment d'argent rendent difficile l'envoi de petites sommes par les travailleurs migrants.
Les banques sont le canal de transfert d'argent le plus onéreux
Coût du transfert d'argent par type de prestataire
Source : Calculs effectués par les services de la Banque mondiale pour le 4e trimestre 2018, à partir de la base de données Remittance Prices Worldwide (Banque mondiale).
L'argent des migrants est aussi envoyé et reçu par des canaux informels, ce qui rend plus difficile le calcul de l'ampleur réelle des flux. Les pays d’origine et de destination des remises migratoires devraient s'attacher à améliorer l'infrastructure des envois de fonds afin de réduire le coût élevé des frais pour les migrants. Il est possible de faire baisser ces coûts en soutenant l'intensification des transferts d'argent numériques et en facilitant l'accès aux services bancaires, tant pour les clients que pour les prestataires de services.
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